homme qui se fait vacciner par une infirmière blonde dessin

« Va te faire soigner ! »

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Comment convaincre un collègue ou un collaborateur de consulter un professionnel de santé ?

Il ou elle est stressé(e), déprimé(e), vous craignez pour sa santé physique ou mentale et vous pensez qu’il serait bon qu’il(elle) consulte le médecin de prévention, le psychologue de l’entreprise, un médecin ou un psychologue dans le privé.

Vous vous posez sûrement la question : est-ce à moi de faire quelque chose ? Comment va être reçue ma tentative pour aborder le problème ? Comment le (la) convaincre de se faire aider ? Que dire s’il me répond qu’il n’a pas de problème ?

Chaque situation est unique et demande une réponse adaptée et il ne saurait ici être question d’une méthode miracle.

Première question : est-ce à moi de faire quelque chose ?

Il s’agit de la question de la légitimité. La réponse dépend de la nature de votre lien avec la personne en difficulté.

Si vous êtes son supérieur hiérarchique ou un RH, cela vous incombe de par vos fonctions.

Si vous êtes un collègue et que vos intentions sont bienveillantes, n’hésitez pas à le faire, même si vous ne travaillez pas quotidiennement avec lui. On accepte parfois mieux les conseils de quelqu’un qu’on connait moins que d’un proche. Au pire, ses collègues proches auront déjà abordé le sujet et votre intervention sera superflue.

C’est décidé, vous allez aborder le problème. Comment allez-vous vous y prendre ? Avec quels mots ?

Dans tous les cas, évitez de commencer par des formulations de type : « Je vois que tu ne vas pas bien » « Je sens qu’il y a quelque chose qui ne va pas ». Ce sont des lectures de pensée qui risquent de générer plus de réactions défensives que d’acceptation.

Plutôt que la question « Tu vas bien ? » qui appelle la réponse « oui », préférez la question « comment vas-tu ? » même si elle ne produira un effet positif que sur certaines personnes. Pour d’autres, dire le mal-être est très difficile, cela reviendrait à avouer une faiblesse majeure et le « comment vas-tu ? » attirera invariablement, de la part de ces personnes, un « très bien » défensif.

Enoncez plutôt la liste des faits qui sont à l’origine de votre inquiétude : les changements de comportement « Nous avions l’habitude de déjeuner ensemble, tu déjeunes de plus en plus tout seul », les constats « Je t’entends soupirer /râler /dire souvent « à quoi ça sert tout ça ? » « J’ai remarqué que tu avais l’air fatigué /triste certains jours »

Enchaînez sur vos conclusions ou vos impressions (sans mettre d’étiquettes ni de diagnostic) : «  Je me dis que peut-être tout ne va pas bien pour toi/que vous traversez une période difficile ». Il peut être également intéressant de partager votre ressenti, avec un message « Je » : « Cela m’attriste » « Je me sens inquiet(e) ». Verbaliser vos émotions permettra à votre interlocuteur de faire de même avec plus de facilité.

Et écoutez. Au besoin, laissez un silence s’installer.

Une fois le dialogue engagé sur le sujet des difficultés de la personne, vous pourrez évoquer les solutions qu’elle a tentées pour les résoudre.

La suggestion de consulter un professionnel pourra être présentée comme un moyen de prendre du recul sur la situation, de faire le point avec un regard extérieur et professionnel. Attention également ici aux formulations de type « Tu as besoin d’aller voir quelqu’un ». Il est important de respecter l’autonomie et la capacité de jugement de l’autre.

Et si la personne me dit « non » ? Comment gérer les résistances ?

Il convient tout d’abord de ne pas prendre les objections comme un rejet de l’aide que l’on veut apporter. Notre interlocuteur refuse la solution que nous lui proposons mais il ne rejette pas pour autant notre soutien ni notre personne.

Il est utile de regarder chaque objection comme l’expression d’une crainte réelle, sans la cataloguer trop vite comme une résistance.

Dire son mal-être est difficile pour les personnes qui ont appris dans leur éducation à « ne pas s’écouter ». Elles peuvent parfois être en grande difficulté et se sentir en même temps empêchées de l’exprimer, par désir de « garder la face ». Consulter un spécialiste (médecin, psychologue) est forcément vécu par ces personnes comme un aveu de faiblesse.

Si votre interlocuteur est en « référence externe », c’est à dire sensible à l’opinion des autres, vous pouvez dédramatiser le  recours à un spécialiste en lui rappelant que 18% de la population française a déjà eu recours à l’aide d’un psychologue ou thérapeute,  soit 12 millions de personnes, presqu’une personne sur 5.

S’il est en « référence interne», comme les personnes qui ont l’habitude de penser par elles-mêmes ou qui ont des certitudes inébranlables, invitez-le à se faire sa propre idée : « OK, tu penses que cela ne servira à rien d’aller consulter, vas-y  et tu pourras t’en faire une idée par toi-même »

Il va s’agir de rassurer et de dédramatiser le recours à un spécialiste. Et même, de le recadrer positivement : avoir la lucidité de se faire aider dans les moments difficiles demande une véritable force de caractère.

Doit-on insister ou non ?

L’insistance crée la résistance. Si vous sentez que vos arguments génèrent en retour une contre-argumentation nourrie, lâchez prise sur le moment. Et réfléchissez à la validité des objections et à une manière nouvelle d’aborder le sujet.

Attention également à ne pas utiliser vos sentiments comme un moyen de pression : certes, vous êtes inquiet(e), mais l’autre garde sa liberté d’apprécier autrement la situation.

Si vous êtes manager ou RH, vous pouvez réaffirmer votre obligation de sécurité et de santé envers vos collaborateurs. Vous pouvez également alerter le médecin de prévention en lui demandant de recevoir ce collaborateur, en l’indiquant à ce dernier.

Que répondre aux objections ?

Acceptez les objections comme quelque chose de normal et même de positif (c’est un marche-pied sur lequel rebondir) et répondez sur le fond.

  • « Je vais bien » ou « Non non, tout va très bien »

Reprenez calmement et factuellement tous les signes qui vous ont alerté. Indiquez en conclusion que, de votre point de vue, certains éléments vous inquiètent et méritent d’être discutés avec un spécialiste.

N’essayez pas de convaincre votre interlocuteur qu’il ne va pas bien. Vous risqueriez alors de renforcer ses mécanismes de défense et de l’acculer à une position où il cherchera à vous convaincre qu’il n’a besoin de rien.

Dites plutôt que le médecin/psychologue sera mieux à même de juger et que, s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter,  il le dira et tant mieux ! Tout le monde sera rassuré.

  • « Les psys/médecins ça ne sert à rien » « Les psys/médecins, tous des incompétents »

Profitez de cette ouverture pour faire verbaliser ses attentes à votre interlocuteur. Qu’aimerait-il qu’il se passe lors du rendez-vous ? Quels critères objectifs peut-il utiliser pour juger de la compétence du spécialiste ? Quels sont les risques à s’apercevoir éventuellement que la personne qu’on consulte n’est pas compétente ? Craint-il de ne pas être capable de repérer un charlatan ou un gourou ?

Le pire qui puisse se passer, effectivement, est que rien ne change, que cela ne serve à rien. Doit-on pour cela s’empêcher de l’essayer ?

  • « Je ne suis pas fou » « Je ne suis pas malade »

Les psychologues n’ont pas pour vocation de traiter les fous, c’est le rôle des psychiatres. Ils n’administrent pas non plus de médicaments. Les psychologues sont justement destinés à aider les personnes « normales » à affronter des difficultés passagères. Et les médecins de prévention ne sont pas là pour traiter des maladies mais des problèmes liés au travail.

Lorsque l’on traverse une période difficile ou de stress,  on peut être en fragilité et avoir besoin de se faire aider temporairement sans être fou ou malade. Il s’agit d’une atteinte par des facteurs externes, qui n’ont rien à voir avec un terrain dépressif ou pathologique, de la même façon que si on se casse une jambe en faisant du ski cela ne veut pas dire qu’on était faible ou malade.

Le psychologue ou le médecin du travail, ne vont traiter que de la situation présente et ne vont pas chercher à réparer d’autres problèmes préexistants.

  • « Le stress, c’est dans la tête, ce n’est pas une vraie maladie »

Les affections comme le stress sont effectivement considérées comme ayant une origine psychosomatique. Mais attention ! Psychosomatique ne veut pas dire que c’est « dans la tête » ou imaginaire !

Le stress, le burn out génèrent la production de cortisol, qui va lui-même créer des symptômes physiques bien réels et identifiables. Ces manifestations peuvent être multiples : fatigue, insomnies, mal de dos, problèmes digestifs, de peau, perte de cheveux… mais aussi des problèmes psychologiques comme de l’irritabilité, de l’anxiété, de la dévalorisation ou des addictions. Ils peuvent également être le déclencheur de maladies plus graves comme des problèmes cardio-vasculaires, le cancer ou la dépression.

De la même façon qu’on n’hésite pas à consulter son médecin lorsque l’on a une grosse grippe, il convient d’aller voir un spécialiste pour parler de son stress. Et un spécialiste proposé par le lieu de travail si le stress a un lien avec le travail.

  • « Je vais passer pour quelqu’un de faible, cela va nuire à mon image dans l’entreprise »

Rappelez les règles de confidentialité et de déontologie auxquelles sont soumis ces professionnels. En aucun cas ils ne peuvent nuire à la personne qui les consulte, ils sont là au contraire pour l’aider.

Dédramatisez : ces professionnels ont l’habitude de recevoir des personnes qui rencontrent des difficultés passagères et savent comment gérer la situation sans que le fait de les consulter ne soit considéré comme la révélation d’une faiblesse.

Posez simplement et directement la question suivante  pour faire exprimer les craintes réelles : « En quoi le fait de consulter le médecin de prévention/le psychologue de l’entreprise pourrait être considéré, et par qui, comme  un aveu de faiblesse ? ». Et écoutez la réponse de votre interlocuteur.

  • « Ce n’est pas à moi de consulter » « Ce n’est pas moi la cause de la situation »

Dans les cas de maltraitance managériale ou de harcèlement, la question est effectivement pertinente : est-ce à la victime présumée de consulter ?

Néanmoins, toute situation de souffrance au travail génère un stress chez les personnes qui la subissent. Consulter un spécialiste ou un acteur de la prévention est un premier pas pour faire cesser cette situation et également une ressource  pour pouvoir y faire face.

Et après ?

Premier cas de figure, la personne a accepté de rencontrer un spécialiste.

Ce n’est pas pour cela que la situation va se résoudre miraculeusement. Attention de ne pas tomber dans la tentation de se « débarrasser » du problème avec l’orientation sur le médecin du travail ou le psychologue de l’entreprise. Il convient de rester en observation et à l’écoute des différents signes, sans être intrusif. En particulier, laissez la personne décider de ce qu’elle a envie de partager ou non de son entretien.

Deuxième cas de figure, la personne est restée campée sur ses objections et refuse d’aller consulter.

Réaffirmez votre soutien, sans insister. Indiquez que, quelque soit la décision, vous restez disponible pour parler de la situation.  Il convient parfois de laisser les idées faire leur chemin. Certaines personnes ont besoin de temps pour faire évoluer leur pensée.  Et on sous-estime souvent les pouvoirs de la simple écoute.

Si vous constatez néanmoins que la situation évolue négativement, que les signes s’aggravent, réitérez fermement votre demande. Et indiquez que vous pourrez être amené à alerter à sa place.

Dans tous les cas, vous aurez agi au mieux, en vous positionnant en personne ressource. Soyez certain que votre ami/collègue/collaborateur vous en saura gré ultérieurement.

Valérie Rodger